orbis cantus

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Les leçons de Chronos

Chronos entouré de serpents, de fleurs, de nuits et de jours.

C’est ainsi que je me représente le Temps, le dieu Saturne, échiquier de nos destins. Dans sa gratuite puissance, l’imageur DALL•E semble s’être amusé à répondre à ma demande. Je ne sais d'où provient son imaginaire, quels artistes il plagie, recopie et recompose.

Ma demande me semble unique sans que l’art qui en est issu ne m’appartienne. N’en va-t-il pas ainsi de nos existences? Saturne, le maître du temps, représente pour les astrologues l’horloge lucide de ce que nous sommes. Quand nous naissons, le devoir d’exister qu’il nous impose se renégocie 28-29 ans plus tard au moment où il complète le tour du Soleil, retournant ainsi au degré de notre naissance. C’est un rouage quasi parallèle au cycle mensuel lunaire.

À 30 ans, nous ressentons pour la première fois notre nature d’adulte. Il est temps de consolider ce que nous voulons être. Autour de la soixantaine, nous réalisons la vie, la ressentons dans sa fatigue tranquille, parfois colorée de sagesse, qui s’installe dans nos os et nos pensées. C’est la patience urgence de continuer et d’apprécier. Juste avant d’atteindre 90 ans, le dernier hiver s’installe. Si, bien sûr, on s’y rend. Mon père a quitté cette vie exactement au moment de ce dernier retour saturnien. Dans son thème, l’astre gouvernait ses secrets.

Certains naissent sous un bon Saturne, d’autres se voient offrir une coupe un peu plus amère. À ma naissance, l’astre était en Capricorne, en carré avec Vénus, signifiant ainsi pour moi un lent travail relationnel, un combat sans doute entre des passions d’une adolescence trop lointaine ou peu vécue et la dure réalité de l’être humain. Mes amours n’ont pas été faciles ou simples. Elles ne m’auront pas causé beaucoup de rides. J’ai toujours continué mon patient chemin. Je suis un homme sage entouré de mes fleurs et de mes serpents. J’essaie de comptabiliser ma vie, la régimenter tout en conservant un désordre intérieur. La planète survolera mon soleil de naissance l’an prochain, un peu comme si le temps allait s’enraciner davantage dans le sol de mon coeur.

Je ne suis pas astrologue pour rien. J’ai le sens des heures, épris de certitude même si les leçons que j’en tire ne tiendraient pas sur une seule page.

Nous possédons tous cette horloge, à des dégrés divers et orientée selon nos saisons. Nous ne vieillissons pas de la même manière quoique la fin nous réunit dans l’implacable silence de Chronos.

Qu’à cela ne tienne. Chronos nous montre le chemin, la manière de construire, d’agir. Le tic tac est universel, raisonné, bienfaiteur. La vie est faite pour sculpter les ossements de ce que seront nos héritiers.

Nos vies forment un filet de sable qui s’engouffre dans un tunnel de verre. Ensuite la manège recommence. Une main (une main?) invisible retourne le sablier et les couleuvres avalent encore une fois leur queue.

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